La marque qui n’a jamais choisi entre performance et esthétique.
ASICS n’est plus seulement une marque de running : c’est un langage culturel, un symbole générationnel, une preuve vivante que le sport peut façonner des esthétiques, des communautés et même des modes de vie. Derrière les silhouettes emblématiques, les collaborations pointues et le retour massif des modèles rétro-tech, il y a une histoire faite de vision, d’ingénierie, d’audace… et d’accidents heureux. Ce long format retrace le chemin d’ASICS depuis un petit atelier d’après-guerre jusqu’à son statut actuel : celui d’une marque respectée par les puristes comme par les trendsetters.
L’ADN fondateur : « Anima Sana In Corpore Sano »
L’histoire d’ASICS commence en 1949, à Kobe, dans un Japon encore marqué par la reconstruction d’après-guerre. Kihachiro Onitsuka, jeune vétéran, crée l’entreprise Onitsuka Co. avec une idée simple mais révolutionnaire : aider la jeunesse à se reconstruire par le sport. Le sport comme ciment social, comme repère psychologique, comme moteur de développement personnel.
Ce n’est que quelques années plus tard qu’apparaît l’acronyme ASICS, inspiré de la formule latine « Anima Sana In Corpore Sano » : un esprit sain dans un corps sain. Plus qu’un slogan, cette philosophie deviendra la boussole morale et technique de la marque. Elle guide encore aujourd’hui ses innovations scientifiques, sa communication et même sa vision du sport : une pratique accessible, holistique et tournée vers le bien-être.
Les premières chaussures produites par Onitsuka sont destinées au basket, avec une innovation structurante : une semelle inspirée… d’un bol de nouilles froides. L’histoire raconte qu’en mangeant ses nouilles, Onitsuka remarque comment elles adhèrent au fond du bol. Cette texture devient la première trame d’une semelle plus adhérente et plus stable. ASICS naît littéralement d’un geste du quotidien , et d’un sens aigu de l’observation.
Des débuts modestes, une ambition immense
Dans les années 1950 et 1960, Onitsuka Tiger (nom d’origine) devient la marque de référence des sportifs japonais. Puis elle s’étend à l’international, aidée par deux facteurs :
- La qualité extrême de ses produits ;
- Le bouche-à-oreille des sportifs olympiques, séduits par la légèreté et la précision des modèles.
Le modèle Marathon Tabi, avec sa séparation entre le pouce et les orteils, attire l’attention. Puis vient le moment clé : l’alliance avec un certain Phil Knight, futur fondateur de Nike. Knight vend des chaussures Onitsuka aux États-Unis via Blue Ribbon Sports. L’histoire de Nike commence littéralement en revendant des ASICS. Ce partenariat se terminera dans la douleur, mais il aura permis à la marque japonaise de pénétrer le marché américain avant l’heure.
Le développement s’accélère. En 1977, plusieurs entreprises dont Onitsuka Tiger fusionnent pour donner naissance à ASICS. La marque adopte son logo iconique , les « Tiger Stripes » , qui deviendra l’un des symboles les plus reconnaissables du sport.
Le choc GEL : quand la science devient esthétique
Les années 1980 marquent un tournant. ASICS investit massivement dans la recherche scientifique. L’objectif : comprendre le mouvement du corps humain pour créer des chaussures qui accompagnent, corrigent et optimisent chaque foulée.
C’est là qu’entre en scène la technologie GEL, une des innovations les plus influentes de l’histoire du running. Un matériau amortissant inséré dans la semelle, capable d’absorber les chocs tout en restant stable. Le GEL-NIMBUS, la GEL-KAYANO et les différentes dérivées deviennent des références absolues.
Mais surtout : le GEL devient un élément esthétique. Visible sous certaines semelles transparentes, il crée une identité visuelle unique. Là où Nike mise sur l’air, ASICS mise sur le silicone. Deux visions, deux cultures du design, deux imaginaires.
Dans les années 1990 et 2000, ASICS s’impose comme la marque des coureurs sérieux. La marque des marathoniens, des puristes, de ceux qui cherchent la performance avant la hype. Une image forte, mais parfois restrictive.
Les années 2000 : l’âge d’or du tech running
Le début des années 2000 marque la consécration. Les modèles GEL-KAYANO, GEL-NIMBUS, GEL-KINSEI ou encore GEL-TRABUCO deviennent des références mondiales. Les coureurs plébiscitent leur stabilité, leur confort et leur durabilité.
Les technologies se succèdent :
- I.G.S. (Impact Guidance System) pour orchestrer les articulations du pied ;
- Duomax pour gérer la pronation ;
- FlyteFoam pour alléger les silhouettes ;
- Space Trusstic pour stabiliser la voûte plantaire.
ASICS devient une marque technique par excellence : rationnelle, scientifique, presque clinique. Les puristes adorent. Les autres… observent. Et c’est là que la culture va renverser la table.
Le retour culturel : archives, hype et renaissance
À partir de 2018–2019, ASICS connaît un phénomène inattendu : le retour massif des modèles rétro-tech des années 2000. La mode Y2K explose. Les sneakers bulky, les silhouettes agressives, les détails techniques redeviennent désirables.
Et là, ASICS fait un mouvement décisif : elle assume sa culture tech. Plutôt que d’essayer d’être une autre marque, elle réédite, modernise, et remet en lumière ses archives les plus pointues.
Les collections rétros rencontrent une nouvelle audience :
- les amateurs de mode,
- les passionnés de design,
- les communautés running urbaines,
- les créatifs qui voient dans les lignes ASICS un potentiel esthétique énorme.
La marque ne court plus derrière la tendance : elle devient la tendance.
Collaborations : Kiko, JJJJound, Vivienne Westwood…
La bascule culturelle d’ASICS se précise grâce à une série de collaborations bien pensées.
Kiko Kostadinov
Le designer bulgare est sans doute la figure qui a fait entrer ASICS dans la mode high-end moderne. Sa vision utilitaire, expérimentale et architecturale transforme les modèles GEL en véritables pièces de design. Les colorimétries, les découpes, les matériaux : tout devient plus pointu, plus conceptuel, plus mode.
Kiko ne se contente pas de collaborer : il influence durablement la direction artistique d’ASICS SportStyle.
Vivienne Westwood
La collaboration marque une rencontre entre l’audace punk et la rigueur technique japonaise. Les modèles deviennent des pièces d’expression artistique.
JJJJound
La collaboration la plus minimaliste, presque méditative. Là où Kiko explose les couleurs, JJJJound épure. Un signal fort pour les amateurs d’esthétique clean.
Awake NY, GmbH, Angelo Baque…
Toutes ces collabs réaffirment la même idée : ASICS est une marque culturelle, plus qu’une simple marque de performance.
ASICS et la nostalgie : pourquoi les modèles rétro fonctionnent
Le succès récent des modèles 2000s d’ASICS tient à plusieurs facteurs :
1. Un design en avance sur son temps
Beaucoup de silhouettes ASICS étaient trop techniques pour l’époque. Aujourd’hui, elles paraissent visionnaires.
2. Une tendance socioculturelle
Les jeunes générations valorisent la fonctionnalité, l’authenticité et les esthétiques 90s–2000. ASICS coche toutes les cases.
3. La fin du « tout lifestyle »
Les consommateurs se lassent des paires trop « mode ». Ils recherchent du vrai, du durable, du technique.
4. La crédibilité sportive
ASICS n’a jamais triché. Pas de modèles purement marketing : tout vient du sport.
Là où d’autres marques essaient de recréer artificiellement du rétro, ASICS a simplement ouvert ses archives.
ASICS aujourd’hui : entre performance pure et langage culturel
Aujourd’hui, ASICS occupe un espace unique : un pied dans la performance, un pied dans la culture.
Du côté performance :
- La gamme Meta (MetaSpeed, MetaRide…) rivalise avec les super shoes modernes.
- Le GEL continue d’évoluer.
- Les modèles pour le trail renforcent la légitimité technique.
Du côté culturel :
- Les archives 2000s ne cessent de revenir.
- Les collabs définissent le goût de toute une génération.
- Le running urbain devient un style de vie où ASICS est omniprésent.
Cette double identité fait la force contemporaine de la marque. Elle ne cherche pas à être hype : elle est hype parce qu’elle est cohérente, fidèle à elle-même et exigeante.
En bref,
L’histoire d’ASICS est celle d’une marque qui n’a jamais trahi son ADN. Une marque qui a grandi en restant fidèle à une idée simple : le sport comme moteur d’équilibre, de progrès et de créativité.
Partie d’un petit atelier à Kobe, elle est aujourd’hui une référence mondiale. Une marque respectée aussi bien des marathoniens que des stylistes. Une marque qui a transformé des innovations techniques en signes esthétiques. Une marque qui court plus vite que les tendances, parce qu’elle court avec conviction.
ASICS, finalement, c’est l’histoire d’une vision : la performance comme culture, la culture comme performance.

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